Ce lundi, Jean-Jacques Bourdin voulait du «politiquement incorrect» sur RMC et BFM TV, et pour cause : c’est le titre du livre que venait promouvoir son invité, Roland Dumas, 92 ans, ancien président du Conseil constitutionnel, proche de François Mitterrand. «Vous ne serez pas déçu», a répondu l’intéressé.



La promesse s’est concrétisée au bout d’une douzaine de minutes, au terme d’une conversation étrange, émaillée d’allers-retours et de sentences mystérieuses. Les propos ont déjà fait réagir : «Manuel Valls est-il sous influence juive ?» demande Bourdin. «Probablement. Je peux le penser. Tout le monde est sous influence.». Et plus précisément, est-il «sous l’influence de sa femme», Anne Gravoin, dont on est amené à deviner qu’elle est juive ? «Pourquoi ne pas le dire ? C’est la réalité», rétorque Roland Dumas.

Ce moment est la conclusion d’une dizaine de minutes d’échanges. D’abord, Jean-Jacques Bourdin interroge Roland Dumas sur l'«islamo-fascisme» dénoncé le matin même par Manuel Valls. «Le fascisme c’était pas ça, l’hitlérisme non plus, alors il ne faut pas exagérer», juge Roland Dumas. Et d’appeler «à la raison» : «il faut dégonfler tout ça». Les attentats de Paris et de Copenhague, «c’est une bête histoire de caricatures. Ce n’est pas le nazisme qui renaît». Il y a, dit-il, «des gens qui touchent à tout» et qui «enveniment l’atmosphère». On comprend qu’il pense à Manuel Valls, mais il cite aussi Bernard-Henri Lévy à l’époque où celui-ci soufflait à l’oreille de Mitterrand, alors que Dumas était ministre des Affaires étrangères.

Puis Bourdin le lance sur les tombes juives profanées au cimetière de Sarre-Union : «C’est malheureux, c’est triste, ça rappelle les mauvais souvenirs.» «Qu’est-ce qui a provoqué ça ?» s’interroge-t-il lui-même : «il y a une atmosphère». Et «les gens qui jettent de l’huile sur le feu, aussi bien du côté des Arabes que du côté des Juifs». On ne comprend pas très bien ce qu’il veut alors dire.

Ensuite, Bourdin lui parle de Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien, qui appelle les juifs français à déménager en Israël. «C’est le rôle de Nétanyahou d’appeler les juifs à venir en Israël», estime Roland Dumas. Lui, il «dirait au peuple juif, et ils savent bien ce que j’ai fait pour eux, mon père et tout ça : restez». Ce qu’il a fait pour eux, son père et tout ça, c’est une référence au fait que Georges Dumas, résistant, a été arrêté par la Gestapo en 1944, puis fusillé. Roland Dumas, lui, a participé aux Mouvements unis de la Résistance.

Retour à Manuel Valls, Bourdin veut en savoir plus. «Ce n’est pas ma tasse de thé», admet Roland Dumas. Et d’expliquer : «Sous le prétexte que je défendais les Arabes contre Israël, il m’a agressé, alors que je le connais à peine.» C’est à ce moment que l’ancien ministre se lance tout seul dans un rapprochement étrange : «Mais il a des alliances personnelles qui font que. Chacun sait qu’il est marié avec quelqu’un, quelqu’un de très bien d’ailleurs, qui a une influence sur lui.»

La suite est difficile à comprendre. Roland Dumas emmène la conversation sur le père de Manuel Valls, résistant anti-franquiste, un «vrai républicain». Le fils, lui, «a pris le point de vue contraire». Puis il estime que «tout le monde est influencé», ce qu’il répètera. Sentant que le moment est venu, Bourdin peut poser sa question pour de bon : «Manuel Valls est-il sous influence juive ?» On connaît désormais la réponse de Roland Dumas.

Antisémite et/ou sénile ? Il a en tout cas suscité un tollé dans la classe politique.
LIBERATION