RELIGIONS ET CROYANCES
Comment Voltaire devint favorable à l'Islam
Au départ, Voltaire était très hostile à l’islam. La pièce théâtrale « Mahomet, ou le fanatisme » composée en 1742, était considérée comme le parfait exemple pour dépeindre le personnage du Prophète Mohammed (SBDL).
Vendredi 18 Février 2011
« Mahomet le fanatique, le cruel,
le fourbe, et, à la honte des hommes, le grand, qui de garçon
marchand devient prophète, législateur et monarque. »
Recueil des Lettres de Voltaire (1739-41)
Goethe,
qui avait traduit la pièce en allemand pour complaire à son maître,
le prince Charles-Auguste de Weimar, parla de ce sujet à Napoléon
qu’il rencontra à Erfut. L’Empereur rétorqua :
« Je n’aime pas cette pièce, c’est une caricature !
- Je suis de l’avis de Votre Majesté, j’ai fait ce travail à contre-cœur. Mais dans cette tragédie, dans ces tirades contre le fanatisme, ce n’est pas l’islam qui était visé, mais l’Église catholique.
- Les allusions, dit Napoléon, sont tellement voilées que cet impertinent a pu dédier son œuvre au pape… qui lui a donné sa bénédiction.» (1).
Mais
au fur et à mesure, Voltaire va faire ses recherches personnelles
et délaisser les vieux ouvrages sur les musulmans que propageaient
l’église. Voltaire se détache des sources héritées du Moyen Âge et sa
perspective change radicalement.
C’est en travaillant en véritable historien, sur son Charles XII,
que Voltaire forgea ses idées sur le monde musulman et plus
particulièrement sur les Ottomans. L’évolution de Voltaire sur l’islam
arrive à son point culminant avec l’Examen important de milord
Bolingbroke, ou le tombeau du fanatisme, intégré au Recueil nécessaire,
en 1766. Dans cet écrit, il fustige sévèrement le christianisme et
fait l’éloge du Prophète Mohammed (SBDL) qui établit un culte qui « était sans doute, plus sensé que le christianisme».
Voltaire
accuse et attaque le christianisme qu’il considère comme « la plus
ridicule, la plus absurde et la plus sanglante religion qui ait
jamais infecté le monde. » (Lettre à Frédéric II, roi de Prusse,
datée du 5 janvier 1767). Par contraste, il vante la doctrine
musulmane pour sa grande simplicité : « Il n’y a qu’un Dieu et
Mahomet est son prophète. »
« Chanoines, moines, curés même, dit Voltaire, si
on vous imposait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures
du matin jusqu’à dix heures du soir, pendant le mois de juillet,
lorsque le carême arriverait dans ce temps ; si on vous défendait de
jouer à aucun jeu de hasard sous peine de damnation ; si le vin
vous était interdit sous la même peine ; s’il vous fallait faire un
pèlerinage dans des déserts brûlants ; s’il vous était enjoint de
donner au moins deux et demi pour cent de votre revenu aux pauvres ;
si, accoutumés à jouir de dix-huit femmes, on vous en retranchait
tout d’un coup quatorze; en bonne foi, oseriez-vous appeler cette
religion sensuelle ? »
Et la fin de son article est une leçon qui déteste et rejette la caricature : « Il faut combattre sans cesse. Quand on a détruit une erreur, il se trouve toujours quelqu’un qui la ressuscite.» (dictionnaire philosophique 1764)
La
dernière phase de Voltaire sur l’Islam se situe entre 1768 et 1772.
Il revient sur certaines de ses positions intransigeantes
concernant le christianisme, sans renoncer à ses convictions dans
l’enseignement de l’Islam :
« Sa religion est sage, sévère, chaste
et humaine : sage puisqu’elle ne tombe pas dans la démence de
donner à Dieu des associés, et qu’elle n’a point de mystère ; sévère
puisqu’elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs
fortes, et qu’elle ordonne la prière cinq fois par jour ; chaste,
puisqu’elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d’épouses qui
partageaient le lit de tous les princes de l’Orient ; humaine,
puisqu’elle nous ordonne l’aumône, bien plus rigoureusement que le
voyage de La Mecque. Ajoutez à tous ces caractères de vérité, la
tolérance. »
Depuis 1742, date à laquelle Voltaire a présenté sa pièce de théâtre « Mahomet » à la Comédie française, le chemin parcouru est long. Ce jour-là, il attaquait « le fondateur de l’Islam »
pour montrer comment les religions ont été établies. Puis
vingt-huit années plus tard, en 1770, il le défend pour soutenir que
« d’autres peuples pouvaient penser mieux que les habitants de ce petit tas de boue que nous appelons Europe ».
« Il n’y a point de religion dans laquelle on n’ait recommandé l’aumône. La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran [le Coran] ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées. La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne peut trouver d’exemple dans aucune religion.
Toutes ces lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à la religion, le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu présenté sans mystère, et proportionné à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations et, jusqu’à des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien.
« Il n’y a point de religion dans laquelle on n’ait recommandé l’aumône. La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran [le Coran] ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées. La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne peut trouver d’exemple dans aucune religion.
Toutes ces lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à la religion, le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu présenté sans mystère, et proportionné à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations et, jusqu’à des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien.
Le peu que je viens de dire dément bien tout ce que nos historiens, nos déclamateurs et nos préjugés nous disent : mais la vérité doit les combattre.» (2)
Le
plus grand changement que l’opinion ait produit sur notre globe fut
l’établissement de la religion de Mahomet. Ses musulmans, en moins
d’un siècle, conquirent un empire plus vaste que l’empire romain.
Cette révolution, si grande pour nous, n’est, à la vérité, que comme un
atome qui a changé de place dans l’immensité des choses, et dans le
nombre innombrable de mondes qui remplissent l’espace; mais c’est
au moins un événement qu’on doit regarder comme une des roues de la
machine de l’univers, et comme un effet nécessaire des lois
éternelles et immuables: car peut-il arriver quelque chose qui n’ait
été déterminé par le Maître de toutes choses? Rien n’est que ce qui
doit être. (3)
Ce
fut certainement un très grand homme, et qui forma de grands
hommes. Il fallait qu’il fût martyr ou conquérant, il n’y avait pas
de milieu. Il vainquit toujours, et toutes ses victoires furent
remportées par le petit nombre sur le grand. Conquérant,
législateur, monarque et pontife, il joua le plus grand rôle qu’on
puisse jouer sur la terre aux yeux du commun des hommes. (4)
J’ai
dit qu’on reconnut Mahomet pour un grand homme; rien n’est plus
impie, dites-vous. Je vous répondrai que ce n’est pas ma faute si ce
petit homme a changé la face d’une partie du monde, s’il a gagné des
batailles contre des armées dix fois plus nombreuses que les siennes,
s’il a fait trembler l’empire romain, s’il a donné les premiers
coups à ce colosse que ses successeurs ont écrasé, et s’il a été
législateur de l’Asie, de l’Afrique, et d’une partie de l’Europe. (5)
- Jean Prieur, Muhammad, Prophète d’Orient et d’Occident, Éditions du Rocher, Paris 2003, p 215.
- Voltaire, Essai sur les mœurs.
- « Remarque pour servir de supplément à l'Essai sur les Mœurs » (1763), dans Oeuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 24, chap. IX-De Mahomet, p. 588
- « Remarque pour servir de supplément à l'Essai sur les Mœurs » (1763), dans Oeuvres complètes de Voltaire,
- Voltaire a composé cette lettre en 1760 en réponse à la "Critique de l’Histoire universelle de M. de Voltaire, au sujet de Mahomet et du mahométisme"
Vendredi 18 Février 2011
1.Posté par
rayan
le 18/02/2011 12:54
| Alerter
« Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité
du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera
comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mohammed ?
Les plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires ; ils
n’ont fondé (quand ils ont fondé quelque chose) que des puissances
matérielles écroulées souvent avant eux.Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur le tiers du globe habité : mais il a remué, de plus des autels, des dieux, des religions, des idées, des croyances, des âmes ; il a fondé, sur un livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toute race, et il a imprimé, pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane, la haine des idoles et la passion du dieu unique. Ce patriotisme, vengeur des profanations du ciel, fut la vertu des enfants de Mohammed. L’idée de l’unité de Dieu, proclamée dans la lassitude des théogonies fabuleuses, avait elle-même une telle vertu, qu’en faisant explosion sur ses lèvres, elle incendia tous les vieux temples des idoles et alluma de ses lueurs un tiers du monde. »
Alphonse Lamartine
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