https://www.youtube.com/watch?v=M-jYeB89s_0
Published on 16 Aug 2011
Maryam Ramadan: «Je ne défendrais pas mon père si je pensais qu’il était un violeur»
Interview
Maryam Ramadan: «Je ne défendrais pas mon père si je pensais qu’il était un violeur»
La
fille aînée de l’islamologue suisse, mis en examen et incarcéré depuis
le 2 février en France, explique le combat de sa famille pour faire
libérer son père
Maryam Ramadan, 31 ans, née à Genève mais qui réside habituellement au Qatar, a répondu aux questions du Temps samedi
19 mai alors qu’elle venait, avec sa mère, de rendre visite à son père
détenu provisoirement à l’hôpital carcéral de Fresnes. La Cour d’appel
de Paris doit se prononcer ce mardi sur une demande de libération de
l’islamologue accusé de viol, suite à un précédent refus, le 4 mai.
Lire aussi: La défense de Tariq Ramadan fait peau neuve à Genève
Le Temps: Vous sortez d’un parloir avec votre père. Dans quel état se trouve-t-il?
Maryam Ramadan: Nous sommes contents de pouvoir le voir, parce que pendant quarante-cinq jours, à compter de sa mise en détention provisoire début février, on était resté sans nouvelles. C’est par la presse qu’on a appris qu’il avait été admis plusieurs fois en urgence à l’hôpital. Cette période a été très difficile. Là, on peut enfin lui rendre visite, ma mère et moi, trois fois par semaine. On en est heureuse, mais c’est aussi très bouleversant. Physiquement, mon père va mal, il a beaucoup maigri. Il est atteint, comme nous le savons dans la famille depuis 2014, d’une sclérose en plaques. Lui qui est entré en prison en marchant normalement est maintenant handicapé et doit s’aider d’un déambulateur pour se déplacer. Il a de constants et violents maux de tête, de la peine à se concentrer. Il a des crampes insupportables dans les jambes qui le réveillent la nuit et qui l’empêchent de dormir plus d’une ou deux heures. La prise de nombreux médicaments le laisse vaseux. Son état de santé se détériore de jour en jour.
Lire aussi: La défense de Tariq Ramadan fait peau neuve à Genève
Le Temps: Vous sortez d’un parloir avec votre père. Dans quel état se trouve-t-il?
Maryam Ramadan: Nous sommes contents de pouvoir le voir, parce que pendant quarante-cinq jours, à compter de sa mise en détention provisoire début février, on était resté sans nouvelles. C’est par la presse qu’on a appris qu’il avait été admis plusieurs fois en urgence à l’hôpital. Cette période a été très difficile. Là, on peut enfin lui rendre visite, ma mère et moi, trois fois par semaine. On en est heureuse, mais c’est aussi très bouleversant. Physiquement, mon père va mal, il a beaucoup maigri. Il est atteint, comme nous le savons dans la famille depuis 2014, d’une sclérose en plaques. Lui qui est entré en prison en marchant normalement est maintenant handicapé et doit s’aider d’un déambulateur pour se déplacer. Il a de constants et violents maux de tête, de la peine à se concentrer. Il a des crampes insupportables dans les jambes qui le réveillent la nuit et qui l’empêchent de dormir plus d’une ou deux heures. La prise de nombreux médicaments le laisse vaseux. Son état de santé se détériore de jour en jour.
Il reste fort. Il le dit lui-même: «Mentalement je suis fort, mais mon physique ne tient pas.» Alors qu’il s’était rendu de son plein gré à la convocation policière du 31 janvier à Paris, il a le sentiment de vivre une profonde injustice. Il est placé à l’isolement complet qui s’apparente à une torture psychologique. Chaque fois qu’il va prendre une douche, personne ne doit se trouver dans les couloirs. Pareil pour la promenade. Du coup, il y est souvent envoyé très tôt le matin. Par exemple, ce matin [samedi 19 mai, ndlr], les gardiens lui ont demandé de choisir entre appeler sa famille ou se rendre à la promenade. Il est déjà seul, il n’allait pas renoncer aux appels. On lui rend tout difficile. La plupart des jours, il reste entre 23h30 et 24h dans sa cellule. Il devrait avoir au moins une séance quotidienne de kinésithérapie, il n’en a même pas trois par semaine.
Il ne bénéficie pas de la présomption d’innocence: il est dans les faits présumé coupable, alors que ses accusatrices bénéficient d’une présomption de sincérité, ce n’est pas normal
Ses migraines constantes ne favorisent pas la lecture. Il a relu l’autobiographie de Nelson Mandela. Comme je sais qu’il aime beaucoup Malcolm X, je lui ai ramené son autobiographie. Il m’a demandé aussi de lui apporter Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty. Il est en train de lire l’ouvrage d’Eric Dupond-Moretti, Le dictionnaire de ma vie, et puis bien sûr le Coran, tout le temps, d’autant plus en ce mois sacré du ramadan.
Comment vivez-vous personnellement cette détention provisoire?
Honnêtement, ma famille et moi, nous n’avons pas été préparés à vivre cela. Mon père n’a jamais rien fait de répréhensible pour qu’on puisse un jour imaginer lui rendre visite dans une prison. Je ressens une grande injustice. Il ne bénéficie pas de la présomption d’innocence: il est dans les faits présumé coupable, alors que ses accusatrices bénéficient d’une présomption de sincérité, ce n’est pas normal. De plus, il est malade. Il faut qu’on reste fort pour pouvoir se battre.
Parlons des plaignantes françaises. Leurs récits sont marqués par de nombreuses incohérences. Par exemple Mme Ayari, qui affirme avoir cessé tout contact avec mon père après le soi-disant viol, alors qu’elle lui a envoyé par la suite plus de 200 messages par un second compte Facebook qu’elle aurait ouvert. «Christelle», ensuite, qui a confié en 2009 à une amie qu’elle essayait de nuire à mon père. Ces éléments et d’autres nous semblent constituer pour le moins matière à réflexion pour la justice. Or elle n’en tient visiblement aucun compte.
Votre père fait face à quatre plaintes pour viol, trois en France, une en Suisse, ainsi qu’à une plainte pour agression sexuelle de la part d’une Américaine. Est-ce que vous pouvez imaginer de lui pareil comportement ou cela vous paraît-il complètement fou?
Ça me paraît complètement fou, bien sûr. Cela fait 31 ans que je vis avec mon père et je n’ai jamais observé chez lui la moindre violence. Vous savez comment, quand on est enfant, on pousse les parents à bout, et quand j’y repense, je crois qu’il m’a donné une seule fois une fessée. Ce n’est pas du tout quelqu’un de violent. Même lorsqu’il est fâché, il privilégie toujours la discussion. Donc, oui, tout ça me paraît totalement fou. Les accusations qui le visent reposent sur des allégations sans preuves. S’il y en avait, elles auraient déjà été produites.
Pourquoi le garder en prison si ce n’est pour des raisons politiques?
Pour commencer, personne n’est en droit de faire un procès de moralité. C’est une question qui ne regarde que mon père et ma mère. Et quand bien même il aurait fauté, il est un être humain comme nous tous. Ce n’est pas une discussion que nous avons envie d’avoir dans les médias. Votre question est importante, car elle est très révélatrice: les gens confondent aspect juridique et aspect moral. C’est primordial de faire la différence entre les deux.
La détention provisoire de votre père a-t-elle selon vous une dimension politique, ainsi que le dénoncent ses soutiens sur les réseaux sociaux?
Oui, c’est bien l’impression que j’ai. Quand on voit le refus opposé début mai par les juges à la demande de libération faite par notre avocat, Me Marsigny, demande fondée sur de nouveaux éléments à décharge et l’état de santé aggravé de mon père, on ne peut que se poser des questions. Les deux médecins experts désignés par les juges ont estimé que son état de santé était compatible avec son maintien en détention, mais seulement sous conditions. Or, la maison d’arrêt de Fresnes où il est incarcéré n’est pas en mesure d’assurer les soins auxquels était conditionnée sa détention provisoire tels que des séances régulières de kinésithérapie. Donc pourquoi le garder en prison si ce n’est pour des raisons politiques?
Si vous deviez présenter votre père, que diriez-vous de lui?
Comme vous le savez, c’est un conférencier qui se déplace beaucoup. Mes deux frères, ma sœur et moi avons vécu avec le fait qu’il est souvent absent. Mais en même temps, il a toujours privilégié la qualité à la quantité des moments partagés avec nous. On a eu de la chance qu’il soit enseignant, toutes les vacances scolaires, on les passait ensemble. C’est un père qui a toujours voulu qu’on connaisse le monde, qu’on voyage. Il m’a ouvert l’esprit sur les différentes cultures, religions, sur la nécessité d’être proche des pauvres. C’est en faisant des voyages avec lui, notamment dans des pays majoritairement musulmans où les femmes sont souvent privées de droits, que j’ai entrepris des études de genre, jusqu’à l’obtention d’un master. Je n’en serais pas à défendre mon père, un soi-disant violeur, si je pensais qu’il en était un.
La défense de Tariq Ramadan fait peau neuve à Genève
L’islamologue
a mandaté Mes Pierre de Preux et Guerric Canonica pour l’assister dans
la procédure ouverte par le Ministère public. Un changement précédé de
moult intrigues
Le bruit courait depuis un moment. La défense de
Tariq Ramadan fait aussi peau neuve à Genève. Depuis sa cellule
médicalisée de la prison de Fresnes, en région parisienne, l’islamologue
a finalement écrit à ses avocats, Mes Marc Bonnant et Yaël Hayat, pour
exprimer sa volonté de mettre fin à leur mandat. Sans donner d’autre
explication.
Cette décision reflète surtout l’influence grandissante exercée désormais par l’entrepreneur franco-tunisien Lotfi Bel Hadj, qui a notamment réussi à gagner la confiance de l’épouse de l’intellectuel musulman, à marginaliser les trois frères qui ne souhaitaient pas ce changement et à bousculer le casting de l’affaire. Mes Pierre de Preux et Guerric Canonica vont désormais reprendre ce brûlant flambeau.
Nouvel «organisateur» de la défense de Tariq Ramadan, Lotfi Bel Hadj était déjà à l’origine de l’arrivée de Me Emmanuel Marsigny dans le dossier parisien, en lieu et place de Me Yassine Bouzrou. L’entrepreneur semble avoir bel et bien étendu ses filets au-delà des frontières. «Il a pris des initiatives», relève Me Bonnant, tout en souhaitant bonne chance et beaucoup d’énergie à ses successeurs.
Lire aussi: Lotfi Bel Hadj, au cœur du dispositif de soutien à Tariq Ramadan
De leur côté, Pierre de Preux et Guerric Canonica confirment leur constitution mais se refusent à toute déclaration avant d’avoir rencontré leur nouveau client. Ils devront aussi se familiariser avec les coulisses très particulières de cette affaire et mesurer son impact médiatique hors du commun.
La procédure judiciaire cantonale n’en est qu’à ses débuts. Ce dossier sensible a été confié au premier procureur Adrian Holloway. «Ma cliente n’a pas encore été entendue», précise aussi Me Jordan.
Tariq Ramadan, qui fait désormais l’objet de trois plaintes en France, une aux Etats-Unis et une autre à Genève, est incarcéré à Paris depuis le 2 février. Sa demande de mise en liberté, essentiellement motivée par des problèmes de santé, a été rejetée vendredi dernier par le juge des libertés et de la détention. Me Emmanuel Marsigny a annoncé faire appel de cette décision.
Cette décision reflète surtout l’influence grandissante exercée désormais par l’entrepreneur franco-tunisien Lotfi Bel Hadj, qui a notamment réussi à gagner la confiance de l’épouse de l’intellectuel musulman, à marginaliser les trois frères qui ne souhaitaient pas ce changement et à bousculer le casting de l’affaire. Mes Pierre de Preux et Guerric Canonica vont désormais reprendre ce brûlant flambeau.
«Interventions extérieures»
Annoncé mardi par la RTS, le changement d’avocats est confirmé par les principaux intéressés. La lettre de Tariq Ramadan est arrivée ce lundi sur le bureau de ses conseils. «Rien dans les liens directs avec notre client ne laissait présager une telle évolution. Celle-ci fait suite à diverses interventions extérieures. La seule chose à faire est d’en prendre acte», réagit Yaël Hayat.Nouvel «organisateur» de la défense de Tariq Ramadan, Lotfi Bel Hadj était déjà à l’origine de l’arrivée de Me Emmanuel Marsigny dans le dossier parisien, en lieu et place de Me Yassine Bouzrou. L’entrepreneur semble avoir bel et bien étendu ses filets au-delà des frontières. «Il a pris des initiatives», relève Me Bonnant, tout en souhaitant bonne chance et beaucoup d’énergie à ses successeurs.
Lire aussi: Lotfi Bel Hadj, au cœur du dispositif de soutien à Tariq Ramadan
De leur côté, Pierre de Preux et Guerric Canonica confirment leur constitution mais se refusent à toute déclaration avant d’avoir rencontré leur nouveau client. Ils devront aussi se familiariser avec les coulisses très particulières de cette affaire et mesurer son impact médiatique hors du commun.
«Vent de panique»
Toujours solidement arrimé à son mandat, Me Romain Jordan, conseil de la Suissesse qui a porté plainte à Genève début avril et qui accuse l’islamologue de l’avoir cruellement violée dans une chambre d’hôtel en 2008, réagit aux dernières nouvelles: «Ce changement révèle le vent de panique qui anime Tariq Ramadan et sa défense.»La procédure judiciaire cantonale n’en est qu’à ses débuts. Ce dossier sensible a été confié au premier procureur Adrian Holloway. «Ma cliente n’a pas encore été entendue», précise aussi Me Jordan.
Tariq Ramadan, qui fait désormais l’objet de trois plaintes en France, une aux Etats-Unis et une autre à Genève, est incarcéré à Paris depuis le 2 février. Sa demande de mise en liberté, essentiellement motivée par des problèmes de santé, a été rejetée vendredi dernier par le juge des libertés et de la détention. Me Emmanuel Marsigny a annoncé faire appel de cette décision.
No comments:
Post a Comment